Michèle Bernard
Balades croisées
Michèle Bernard & Frédéric BobinUn duo inattendu ? Pas si sûr !... Et il fallait bien un jour que cela arrive : l’envie de partir ensemble sur les routes.
Michèle Bernard et Frédéric Bobin n’auraient sans doute pas pu y échapper bien longtemps tant ils se portent depuis toujours une admiration mutuelle et tant leurs parcours d’artistes se font écho.
Accroché au cœur de ces deux grands voyageurs, l’attachement profond pour la Chanson comme forme d’expression engagée, porteuse de mémoire et d’Humanité.
C’est un véritable engagement commun pour le partage des mots et des mélodies qui les font voyager.
Leurs deux voix se font une et nous invitent à traverser les petites et les grandes histoires, dans un mélange élégant de guitare et d’accordéon.
A la croisée des chemins de la chanson française et du rock, ce duo traverse le temps et mélangent les styles. Savoureux mélange de poésie et de prose, sur des airs de valse ou de ballades folks.
Avec originalité et talent, ils réarrangent et s’amusent à alterner leurs chansons, s’appropriant avec élégance celles de l’autre.
- © Guylaine Coquet
© Guylaine Coquet
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Dans nos Enchanteurs :
Michèle Bernard, Frédéric Bobin, l’accord parfait
1er octobre 2022, Mjc Allain Leprest à Venelles, Balades croisées
Que Michèle Bernard et Frédéric Bobin puissent partager un plateau en duo, cela ne nous étonne pas, et même, on se demande pourquoi cela ne s’est pas fait plus tôt, tant il y a parenté d’inspiration entre eux.
Une chanson aussi intemporelle qu’actuelle, un souffle folk qui dérive vers le rock, une attention aux gens, une préoccupation sociale qui s’exprime en poésie, de la tendresse, de l’humour, une juste révolte, chacun de leur concert est un bonheur. Les deux ensemble, ça ne pouvait donc qu’être très, très bien.
Seulement ce fut, comment dire, plus encore que ça, un accord naturel entre les genres et les générations, un sommet de justesse et d’émotion. Tant d’humanité et et tant de beauté que ça vous met les larmes aux yeux… Heureusement les instants d’humour sont les bienvenus, comme lorsque Michèle nous raconte qu’elle a rencontré Frédéric Bobin sur le bord de la route, faisant du stop… Alternant soli, chansons où les deux se répondent, et chœurs fusionnels, le concert nous permet de retrouver les chansons cultes de l’un et de l’autre qui se correspondent tant, de Maria Szusanna de l’une, la petite bohémienne de passage en classe quelques mois, « Ses petits frères l’attendaient / Devant la roulotte », à Tatiana sur le périph’ de l’autre, venue des plaines d’Ukraine, qui a laissé ses petits frères sous la centrale nucléaire et fait des passes… Toutes deux pleines d’espoir, perdues peut-être sur la route.
Des femmes, toujours des femmes, ces « pétroleuses » dont les prénoms pourtant résonnent doucement, Victorine, Désirée, Angelina, Nathalie… juste des femmes qui veulent être libres.
« Oui mais voilà que c’est la guerre / Le monde a changé de couleur ». Nous y sommes, mais Fred nous l’avait bien dit, Tant qu’il y aura des hommes… « Y a qu’à changer les dates / Y a qu’à changer les noms (…) Mais pour un seul poète / Qui vole vers l’azur (…) On pourra espérer » . Vous reprendrez bien une louche d’humanité ? Belle leçon avec (Faut pas regretter) La vie qu’on aurait pu vivre, un vrai baume de réconfort que ce duo chaleureux, parfait.
Même effroi devant l’usine qui part à Singapour, l’hymne à la vieille [ville] ouvrière du Creusot, séchée de ses travailleurs désœuvrés, et le bras de Fred tourne en rond de plus en plus lentement, sa main percute la guitare, le mouvement des bielles heurté, choqué, s’arrête comme la vieille machine enrayée par des désirs d’ultra rentabilité. On a beau connaître le scénario, c’est comme le meilleur film où on pleure toujours au même moment, sachant en plus que ce n’est pas une fiction.
Que respire l’accordéon, qu’il gémisse ou qu’il perde soudain son souffle, que la guitare pleure, cogne ou se taise, nul besoin d’un orchestre complet pour créer une musique totale, qui vous prend le cœur autant que les tripes. Quand on pense que certains croient la chanson, la musique, l’humanité disparues, se sont arrêtés aux années 70 et pleurent après nos trois B vénérés, Brel, Barbara, Brassens, on se dit que nous sommes bien favorisés de connaître de tels artistes. Dont la carrière n’est pas mise à l’encan, mais se tisse au fil des années, gagnant chaque année en poésie (Il faut écouter la voix miraculeuse de Michèle sur Nous les baleines, ou le duo sur Ephémère) et en profondeur.
Comme celle d’Anne Sylvestre à qui rendent hommage Madame Anne, puis Lazare et Cécile, éternelle vérité des valeurs de liberté et de tendresse, chantée superbement en duo.
De Maria à Nomade, où Louise O’sman les rejoint à l’invite de Michèle, avec son joli tambourin qui répond au son orientalisant de la guitare de Fred, en passant par les chevaux de halage, chômeurs d’avant la vapeur, la boucle est bouclée.
L’actualité des chansons même anciennes transperce. La vieillesse abandonnée à des relations virtuelles, un cadre de photos qui défilent. D’toutes manières, « Demain on s’ra vieux, demain on s’ra mort, serrons-nous plus fort », le seul mot qui vaille c’est Je t’aime, la seule phrase à dire « C’est maintenant ou jamais qu’il faut s’aimer ».
On y croit.
Catherine Laugier, le 11 octobre 2022
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